
Chanter au château
Entendrons-nous un jour résonner le chant des Choralies dans le château comtal de Vaison ? Les salles voutées du XIIIe et XIVe siècles abriteront-elles un atelier ou un concert ? Difficile à dire, c’est peut-être un rêve car si aujourd’hui on peut monter au pied de son donjon, il n’est pas possible d’y pénétrer. Pourtant, la municipalité de Vaison travaille à rouvrir ce château. Le projet est sur les rails, les plans sur le papier et les financements en cours de collecte. Peut-être qu’aux prochaines Choralies, les festivaliers pourront y entrer. Et peut-être que dans six ans, ils pourront y chanter. Rêvons un peu et n’hésitons pas à soutenir le projet.
Pourquoi un tel château ? Depuis le début du XIIe siècle, le comte de Toulouse, puissant maître de la Provence, voit son autorité contestée localement par l’évêque de Vaison, seigneur de la ville qui cherche à s’affirmer comme le seul puissant de la cité. Pour contrer cet homme d’Eglise aux ambitions politiques et pour manifester son pouvoir, le comte décide en 1180 de faire construire sur le rocher qui domine l’antique Vaison, rive gauche de l’Ouvèze, une tour en bois, donjon autant symbolique que menaçant. En 1195, cette première bâtisse est remplacée par une tour en pierres, et ce qui devient dès lors un château a continué d’évoluer à chaque époque. Le château comtal de Vaison n’est pas né d’une quelconque protection de la ville contre ses ennemis, mais de conflits internes entre les hommes au pouvoir. C’est pour cela aussi qu’il n’est pas dans la vieille ville romaine, tenue par l’évêque, mais dans un quartier jusque-là peu occupé et sur lequel le comte de Toulouse pouvait installer les marques de son pouvoir. Il va alors attirer à lui la population urbaine et déplacer sur le rocher la ville de Vaison. Au fil des périodes et des luttes politiques, le château changea de maître et tomba dans l’escarcelle pontificale dès la fin du XIIIe siècle, et ce, jusqu’à la Révolution française. Aujourd’hui, il en reste l’imposant donjon carré où flotte durant le festival le drapeau des Choralies, trois corps de logis, une cour intérieure, et plusieurs constructions militaires. Au sud de la vieille ville, il domine un à-pic de 22 mètres de haut qui le rend bien visible de tout son plat pays.
Mikrokosmos aurait-il pu donner sa Saga des peuples sans armure dans ce paysage rocailleux et tourmenté ? Guerres, violences et réconciliations étaient au programme d’un spectacle aussi vertigineux que les créneaux du château comtal. Il est surtout aujourd’hui une amure ouverte d’une vieille ville de Vaison à redécouvrir et qui a su depuis plusieurs siècles chasser les fantômes des guerres passées.
Pierre-Jean Souriac